Méthodologie du commentaire d’œuvre

Le commentaire d’œuvre est un exercice fondamental en histoire de l’art. Il s’agit de produire, à partir d’une analyse de l’œuvre, un commentaire historique argumenté et référencé. Le commentaire d’œuvre en histoire de l’art vise essentiellement à restituer l’importance d’une œuvre dans la carrière de son auteur, à la comprendre par rapport à son temps, par rapport à un style, à un genre ou une forme d’expression artistique. Cette œuvre est le plus souvent picturale, mais il peut aussi bien s’agir d’une sculpture, d’un objet mobilier, d’une construction architecturale que l’on aborde par des photos ou des plans.

Votre travail doit comprendre une analyse formelle de l’œuvre, permettre de la restituer dans son contexte de production, et de renseigner le lecteur sur sa ou ses significations. Il s’agit d’expliquer les choix plastiques effectués, en restituant les conditions dans lesquelles l’œuvre a été réalisée et la démarche de l’artiste. Vous devez non seulement comprendre pourquoi et comment l’artiste l’a réalisée de la sorte mais aussi quelles ont été les conditions de son exposition et de sa réception.

Avant d’aborder le commentaire, il convient de se poser un certain nombre de questions. Certaines sont regroupées ci-dessous de manière logique, mais elles ne sont pas toujours pertinentes pour toutes les œuvres et votre commentaire devra y répondre de manière ordonnée, logique et cohérente. L’exercice consiste à produire un commentaire composé, au sens où vous devez rédiger un texte qui comporte une introduction, un développement articulé (si possible en trois parties) et une conclusion. Votre travail doit être problématisé et le développement doit répondre à la problématique que vous avez posée en introduction.

Attention à n’avoir aucun présupposé au départ ! mais au contraire, dès le début de la recherche, vous devez avoir l’esprit ouvert ; les éléments se mettront progressivement en place au fur et à mesure que vous avancerez dans vos lectures.

On distinguera trois phases dans l’élaboration du commentaire (il va cependant de soi que chacune sera plus ou moins privilégiée en fonction des caractéristiques de l’exercice lui-même, commentaire écrit ou oral, sur table ou préparé chez soi.)

  1. Recherche d’ensemble sur l’œuvre et son auteur
  2. Mise en forme (recherche du plan)
  3. Rédaction définitive (pour l’oral, notes détaillées).

Dans la première phase, on essaie de comprendre l’œuvre « dans le désordre » ; La seconde permet de dégager les points principaux du commentaire et de les hiérarchiser, cette démarche se concrétisant dans le choix d’un plan ; On rédige enfin au cours de la troisième, qui doit être comprise comme un aboutissement des deux autres. Il ne faut pas se précipiter a priori sur tel ou tel plan, ou commencer à rédiger l’introduction en commençant les recherches : c’est le plus sûr moyen d’aboutir à un résultat confus et de passer à côté des points les plus importants.

Identification de l’œuvre

Réunir les éléments d’identification de base sur l’œuvre :

En fonction de leur pertinence, ces informations minimales devront être restituées à un endroit ou un autre du développement, notamment lorsque vous présenterez l’œuvre.

Description de l’œuvre

Dans votre développement, la description de l’œuvre permet de répertorier les principaux éléments qui la composent. Vous ne devez pas vous contenter d’une simple énumération. Cette description doit organiser la lecture de l’œuvre en situant les éléments les uns par rapport aux autres pour faire ressortir son organisation formelle, les détails importants et la signification de l’œuvre. Cette description permet de donner à voir ce qui est difficile à nommer ou à identifier.

Il peut s’agir d’un exercice de style. À la manière de l’ekprhasis des grecs, votre description peut restituer la tonalité de l’œuvre : humoristique si l’œuvre s’y prête, technique si l’œuvre présente une organisation formelle très rigoureuse, ou encore poétique, etc. En mettant l’accent sur les caractéristiques formelles les plus signifiantes de l’œuvre, la description permet en quelque sorte d’orienter votre commentaire.

Analyse des composants matériels de l’œuvre

L’analyse plastique et stylistique de l’œuvre porte plus précisément sur sa composition et les caractéristiques de l’exécution. L’étude de la composition doit faire valoir les moyens plastiques particuliers mis en œuvre par l’artiste et souligner la cohérence de ses choix. Dans la mesure du possible l’étude de l’exécution permettra de dégager les modes d’expression personnels de l’auteur. Toutes ces remarques permettront de préciser le parti-pris artistique et l’orientation de l’artiste.

L’analyse approfondie peut différer selon la nature de l’œuvre étudiée (figurative ou abstraite, picturale ou technologique). On doit y détailler les composants matériels de l’œuvre et leur organisation en commençant par les éléments qui paraissent les plus significatifs. Cette analyse permet de dégager les éléments constitutifs de l’œuvre et les problématiques qui peuvent être présentes au niveau formel. Ces constatations peuvent être rapprochées ou mises en lien avec d’autres œuvres (comparaisons, questionnements communs, utilisation de la technique, influences, etc.). Il convient ici d’être aussi nuancé que possible et d’employer un vocabulaire large et précis à même de faire apparaître les qualités poétiques de l’œuvre de manière évidente.

Interprétation et mise en relation de l’œuvre avec son contexte

Ce travail découle de la description et de l’analyse des composants formels. Certaines appréciations peuvent avoir un caractère subjectif mais doivent être justifiées par ce qui vient d’être observé. Il est important de parvenir à montrer comment ces impressions résultent de l’utilisation de certains matériaux, formes ou couleurs et de réussir à dégager les problématiques présentes dans l’œuvre au niveau de la forme et du sens.

Pour l’interprétation on peut s’appuyer sur la connaissance de l’artiste et de ses œuvres, la connaissance du mouvement artistique auquel il appartient (s’il y en a un), la connaissances d’autres œuvres qui peuvent être mises en rapport avec l’œuvre étudiée parce qu’elles ont des rapports formels ou qu’elles traitent de problématiques communes, ou encore par opposition.

Étude iconographique

La qualité et la densité de l’étude iconographique nécessaire dépendent de la nature de l’œuvre étudiée et des connaissances de l’auteur. Il faut faire la part entre une symbolique avérée et traditionnelle et une symbolique plus spécifique à l’artiste. Dans tous les cas, et quel que soit le sujet de l’œuvre, l’analyse part d’une lecture serrée à une interprétation plus ouverte. Au fur et à mesure que progresse l’analyse, il devient nécessaire de faire le lien entre la signification de l’œuvre et les moyens plastiques particuliers employés.

Place de l’œuvre dans la carrière de l’artiste

Pour restituer l’œuvre dans la carrière de l’artiste, vous devez établir sa biographie et rassembler un certain nombre d’informations de nature historique qui pourront vous permettre de comprendre son contexte de production et la place qu’elle occupe dans sa carrière.

Restitution de l’œuvre dans un contexte historique

Les considérations esthétiques, philosophiques, littéraires, sociologiques, économiques, peuvent s’avérer utiles à la compréhension de l’œuvre. Elles sont bienvenues dans le commentaire dans la mesure où elles permettent de comprendre l’objet décrit.

Analyse comparative

L’analyse comparative de deux œuvres, ou plus, mobilise les mêmes questionnements. Simplement les deux œuvres doivent être traitées simultanément. L’introduction met alors l’accent sur la relation entre les deux œuvres et les questions qu’elle soulève. L’analyse des composants matériels est menées systématiquement en mettant constamment en relation les deux œuvres étudiées, sans oublier des les mettre en rapport avec d’autres.

Citation

« Les problèmes posés par l’interprétation de l’œuvre d’art se présentent sous l’aspect de contradictions presque obsédantes. L’œuvre d’art est une tentative vers l’unique, elle s’affirme comme un tout, comme un absolu et en même temps, elle appartient à un système de relations complexes. Elle résulte d’une activité indépendante, elle traduit une rêverie supérieure et libre, mais on voit aussi converger en elle les énergies des civilisations. Enfin (pour respecter provisoirement les termes d’une opposition toute apparente) elle est matière et elle est esprit, elle est forme et elle est contenu. Les hommes qui s’emploient à la définir la qualifient selon les besoins de leur nature et la particularité de leurs recherches. Celui qui la fait, lorsqu’il s’arrête à la considérer, se place sur un autre plan que celui qui la commente et, s’il se sert des mêmes termes, c’est dans un autre sens. Celui qui en jouit avec profondeur et qui, peut-être, est le plus délicat et le plus sage, la chérit pour elle-même : il croit l’atteindre, la posséder essentiellement – et il l’enveloppe du réseau de ses propres songes. Elle plonge dans la mobilité du temps, et elle appartient à l’éternité. Elle est particulière, locale, individuelle, et elle est un témoin universel. Mais elle domine ses diverses acceptions et, servant à illustrer l’histoire, l’homme et le monde même, elle est créatrice de l’homme, créatrice du monde, et elle installe dans l’histoire un ordre qui ne se réduit à rien d’autre. »

Henri Focillon, La Vie des formes, 1943.

Forme et rendu du travail

Les commentaires doivent être rendus avant la date limite indiquée dans le plan de cours, au format électronique. Les travaux rendus après cette date feront l’objet des pénalités en vigueur au département d’histoire de l’art et des études cinématographiques. Les textes excédant les limites imposées ne seront pas pris en considération et le plagiat est sanctionné.

Merci d’envoyer les articles au format pdf.

Le texte doit être rédigé dans un français correct (orthographe, syntaxe, style, ponctuation,…) et doit nécessairement comprendre :

Quelques pièges à éviter

Organisation de la bibliographie

À la fin du devoir, une bibliographie regroupe la liste des ouvrages imprimés, ou des références, utilisées pour la production du travail.

Dans cette bibliographie, les références bibliographiques doivent être complètes et facilement identifiables. C’est-à-dire comporter les prénoms et noms du ou des auteurs, le titre complet de l’ouvrage, le lieu de publication et le nom de l’éditeur, la date de publication et le nombre de volumes, s’il y en a plusieurs.

Bien évidemment, cette bibliographie ne doit pas comporter de références que vous n’avez pas lues.

Distinguez les sources de la bibliographie. Les sources doivent être classées par type et par lieu de conservation (sources d’archives, sources manuscrites, imprimés à usage de source).

Présentation des références bibliographiques et des légendes

La présentation des travaux respecte le Protocole bibliographique et guide de rédaction des études en histoire de l’art. En dehors du mode de citation auteur-date, les travaux peuvent employer le système de notes bas de page en se référent toujours au Chicago Manual of Style dans une version francisée .

On conseille fortement aux étudiants l’utilisation d’un logiciel de gestion des références bibliographiques comme Zotero. La bibliothèque de l’université offre régulièrement des formations gratuites au maniement de ces logiciels.